Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/318

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VI

Quel que soit d’ailleurs le degré de sa sincérité, j’imagine que (sauf les heures inévitables de lassitude et de dégoût) il doit plutôt éprouver de singuliers plaisirs à soutenir son personnage. Et ces plaisirs doivent être d’une espèce assez rare et délicate pour qu’il soit fort éloigné d’y renoncer jamais.

Je ne sais si ce qu’on m’a dit est vrai, que M. Rochefort est au fond très fier de sa noblesse, et de remonter à Louis le Gros, et qu’un jour, comme on lui rappelait que sa famille avait été alliée aux Talleyrand, il laissa entendre que tout l’honneur était pour eux. S’il en est ainsi, il ne pouvait mieux faire que de quitter son titre : c’était le meilleur moyen pour qu’on l’en fît continuellement souvenir. On le lui rappelle tous les jours, et l’on croit être très malin ; mais il en est ravi, et jamais marquis n’a tant joui de son marquisat.

Il jouit aussi de son esprit, et plus que personne. Nous lui reprochions tout à l’heure, assez ingénument, de n’être jamais grave en exprimant des opinions qui supposent pourtant beaucoup de sérieux. Mais voudriez-vous que ce gentilhomme fût révolutionnaire à la façon d’un pilier de club, d’un ouvrier mécanicien grisé de mauvaises brochures socialistes ? Vous pensez bien qu’il n’y a dans son cas ni naïveté ni mysticisme. Il n’est point révolté comme ce pauvre diable d’Étienne Lantier dans Germinal, mass plutôt à