Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/328

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autrement, sur la personne et sur la vie de M. Richepin, il y a fort à parier qu’on dirait tout d’abord, en lisant ses livres : — Hum ! tant de goût pour la gueuserie, tant de férocité dans l’irrévérence, cela n’est pas naturel. C’est amusant, très amusant ; mais je ne frémis point du tout et ne suis point ému un seul instant, pas même d’horreur. Je suis sûr que l’auteur de ces livres truculents et magnifiquement cyniques ou blasphématoires est quelque bourgeois bien régulier, bien placide, bon père et bon époux, et Arya comme vous et moi. — Eh bien ! on se tromperait sans doute un peu ; car, si vous lisez M. Richepin sans parti pris, vous sentirez certainement, à l’origine de toutes ses inspirations, un très sincère et violent instinct de libre vie animale et de révolte contre tout, qui a sa grandeur ; mais le malheur est que la rhétorique s’en mêle ensuite, et, très visiblement, le goût de la virtuosité pour elle-même, et aussi le désir puéril d’épouvanter les philistins. Il serait peut-être intéressant de démêler, dans les principales oeuvres de M. Richepin, la part d’inspiration franche et la part d’artifice littéraire, ce qui appartient au Touranien contempteur des dieux et des lois et ce qui appartient à l’Arya enfileur de mots.


III

Ce qu’il y a d’inspiration sincère dans la Chanson des Gueux, le poète nous le dit lui-même dans sa préface :