Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/327

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donnent la sensation des objets : c’est, le plus souvent, un certain arrangement de mots fort simples et très connus. M. Richepin est un peu la dupe des mots : il les aime trop en eux-mêmes, pour leur figure de gueux ou de « hurlubiers ». En général, son style, remarquez-le, est amusant plutôt que proprement pittoresque. Ce bohémien fougueux a de petits divertissements grammaticaux de mandarin très lettré. C’en est un que d’avoir écrit tant de pièces en argot dans la Chanson des Gueux. Notez que la plupart des poètes parnassiens (à plus forte raison les bons « symbolistes ») considèrent M. Richepin comme un retardataire, et tantôt comme le dernier des romantiques, tantôt comme un lointain disciple de Boileau. « Ce n’est, disent-ils, qu’un normalien exaspéré. » Ils ne sauraient peut-être pas dire pourquoi ; mais ils le sentent.

Et alors voici ce qui arrive. M. Richepin a beau être un insurgé, avoir la passion des gros mots et des plus abominables crudités de pensée et de style, la perfection de sa rhétorique nous met en défiance. Nous sommes tentés de croire qu’un si savant homme, si profondément imbu des meilleures traditions littéraires, n’est pas un Touranien bien authentique ; que la glorification, dans toute son oeuvre, des gueux et des irréguliers en tout genre n’est peut-être bien qu’un jeu d’esprit. Et, en effet, ses ouvrages ont souvent, je ne sais comment, un air d’insincérité. Si l’on n’était forcément renseigné, par les journaux ou