Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/353

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et celles de leur idées qu’il s’est le mieux appropriés par l’imitation et par la sympathie. Et ainsi, tout en ne faisant au fond que l’histoire de son âme à lui, il fait du même coup l’histoire des sentiments les plus originaux de sa génération et compose par là même un fragment considérable — et définitif — de l’histoire morale de notre époque.


III

Un des moyens de connaître M. Paul Bourget serait de faire pour lui ce qu’il a fait pour les dix écrivains qui figurent dans ses Essais de psychologie contemporaine. Il s’agirait de chercher, pour employer ses propres expressions, « quelles façons de sentir et de goûter la vie il propose à de plus jeunes que lui » — ou à ceux de sa génération. Car il semble bien que M. Paul Bourget ait une assez grande influence sur la jeunesse d’à présent, non pas peut-être sur celle dont les études classiques ont été poussées très avant et que la tradition latine et gauloise munit et défend, mais sur la partie la plus inquiète, la plus nerveuse et la plus ignorante de la jeunesse qui écrit. L’Académie a beau l’honorer publiquement : cela n’empêche point les plus aventureux parmi les plus jeunes écrivains, et ceux du cerveau le plus trouble, symbolistes, esthètes, wagnériens et mallarmistes d’être pour lui pleins d’égards, de le considérer comme un maître.