Page:Lemaître - Les Contemporains, sér3, 1898.djvu/70

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et plus claire, et son développement suivi et logique. Soeur Philomène est une des plus charmantes figures que MM. de Goncourt aient créées, et la plus douce, la plus discrète, la plus voilée de pudeur. Je n’ai pas besoin de dire qu’ils n’ont mis dans cette histoire d’une religieuse d’hôpital amoureuse d’un interne, amoureuse sans le savoir, aucune intention grossière, aucun esprit de banale irréligion. La peinture est délicieuse et d’une justesse exquise. Et pourtant, tout à la fin, quand Barnier est mourant, n’y a-t-il pas, dans la démarche désespérée et violente de la sœur auprès du curé de Notre-Dame des Victoires, quelque chose qui détonne avec tout le reste de son attitude, qui rompt brusquement la délicatesse de la peinture ? J’aimerais qu’elle continuât de souffrir silencieusement et de prier toute seule. Le dirai-je ? La mèche de cheveux dérobée me semble de trop et ne me plaît pas.

Et Barnier, ce garçon si bon et si tranquille, quelle folie lui traverse le cerveau ? Une fois la sottise faite, la forme que prend son repentir, son volontaire abrutissement par l’absinthe, son suicide, tout cela est-il d’accord avec l’idée qu’on nous a donnée de son caractère ? — Dans Marthe et dans Manette, telles qu’elles nous sont d’abord présentées et telles qu’elles se montrent un assez long temps, qui pourrait soupçonner la petite créature haineuse et féroce et l’épouvantable juive sous qui succombent la raison de Charles et la dignité et le talent de Coriolis ? Un monstre surgit en elles à l’improviste ; et la première