Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/142

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C’est après les poèmes de Vigny et même après la Chute d’un Ange qu’il conçoit la Légende des Siècles. C’est après Gautier et Banville qu’il se fait, à l’occasion, néo-grec. C’est après que Michelet, George Sand et d’autres ont écrit, qu’il lui vient une si grande pitié pour les misérables et les opprimés, et le culte de la Révolution, et la haine des rois, et l’humanitairerie mystique, et la charité à bras ouverts, et quelquefois à bras tendus et à poings fermés… Ce serait être dupe que de tenter l’histoire des idées de Victor Hugo, car, comme il n’est qu’un écho, elles se succèdent en lui, mais ne s’engendrent point l’une l’autre. C’est une cloche retentissante ! dont les plus grandes, ou, pour mieux dire, les plus grosses idées de la première moitié de ce siècle sont venues tour à tour tirer la corde…

Si donc on veut définir le génie de Hugo par ce qui lui est essentiel, je crois qu’il convient d’écarter ses idées et sa philosophie. Car elles ne lui appartiennent pas ou ne lui appartiennent que par l’outrance, l’énormité, la redondance prodigieuse de la traduction qu’il en a donnée ; et il ne les a adoptées d’ailleurs que parce qu’elles prêtaient à cette énormité et à cette outrance d’expression. C’est l’ouvrier des mots, l’homme de style, qui commande chez lui à l’homme de pensée et de sentiment. Analyser et décrire sa poétique et sa rhétorique, c’est définir Hugo tout entier, — ou presque.