Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/143

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Et ainsi je reviens par un détour à la phrase que j’avais eu le chagrin de laisser inachevée : « Oui, tout ce que j’ai dit est vrai, mais… » Mais, avec tout cela, Victor Hugo est unique, il est dieu. On peut affirmer, je crois, que nul poète, ni dans les temps anciens, ni dans les temps modernes, n’a eu à ce degré, avec cette abondance, cette force, cette précision, cet éclat, cette grandeur, l’imagination de la forme. La qualité de son esprit ne m’éblouit ni ne me charme, hélas ! ou même m’incite à me réfugier dans la pensée délicate ou dans le tendre coeur des poètes qui me sont chers : mais son verbe m’écrase. « Une âme violente et grossière », comme l’a appelée Louis Veuillot, soit ; mais une bouche divine… Et, ici, ce m’est un grand bonheur que d’autres, plus habiles que moi, M. Renouvier, M. Ernest Dupuy et surtout M. Émile Faguet, aient décrit et loué les procédés du style et de la versification de Victor Hugo : ne pouvant faire aussi bien qu’eux, je vous renvoie avec joie à leurs études[1]. Je me contenterai de choisir dans Toute la Lyre, pour votre plus noble divertissement, quelques exemples de ce don d’amplification étourdissante et vertigineuse. Vous y verrez qu’aucun homme n’a jamais su développer une seule idée par un si grand nombre de comparai-

  1. Études littéraires sur le XIXe siècle, par Émile Faguet, un vol. in-18 jésus, 5e édit. (Lecène et Oudin, éditeurs), — Victor Hugo, l’homme et le poète, par Ernest Dupuy, un vol. in-18 jésus, 2e édit. (Lecène et Oudin, éditeurs).