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Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/21

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fait au hasard. Il relit un de ses cahiers, il en est content et il ajoute : « Il y a quelquefois des moments de profondeur dans la peinture de mon caractère. » Il vient de prendre une leçon de déclamation : « J’ai joué la scène du métromane avec un grand nerf, une verve et une beauté d’organe charmantes. J’avais une tenue superbe de fierté et d’enthousiasme. » Et plus loin : « La charmante grâce de ma déclamation a interdit Louason. » Ou bien : « La réflexion profonde (à la Molière) que je fais dans ce moment, etc… » Ou encore : « Je commence à aborder dans le monde le magasin de mes idées de poète sur l’homme. Cela donne à ma conversation une physionomie inimitable, » etc., etc… Cela est continuel. Penser ainsi de soi, passe encore : nous sommes de si plaisants animaux ! Mais l’écrire ! fût-ce pour son bonnet de nuit ! Je n’en reviens pas !

Cet orgueil s’accompagnait, comme il arrive souvent, d’une extrême timidité, qui n’en était que la conséquence, — timidité qu’exaspéraient encore sa sensibilité d’artiste et sa sagacité d’observateur. Orgueilleux, il craignait d’autant plus d’être ridicule ; sensible, il souffrait d’autant plus de cette crainte ; clairvoyant, il rencontrait partout des occasions d’en souffrir, ou même les faisait naître. Tout ce mécanisme est fort connu, et je vous fais là de la psychologie élémentaire.

J’ai dit qu’il était bien de son temps. À l’origine du moins, sa qualité maîtresse me paraît avoir été