Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/22

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une indomptable énergie. Il croit à la toute-puissance de la volonté. Nous le voyons imposer à la sienne deux tâches principales.

Premièrement, il veut se faire aimer d’une petite comédienne, Mélanie Guilbert, qu’il appelle plus souvent Louason. Le travail de roué naïf auquel il se livre, et qu’il nous raconte jour par jour, est impayable. Il est seulement fâcheux que la relation en dure trop longtemps, et qu’il se répète beaucoup. Il se demande sans cesse : « Ai-je été habile aujourd’hui ? Non ; j’ai fait telle et telle faute. Il faudra que demain je dise ceci, je fasse cela. » Comme il n’a que vingt ans, il a encore des ingénuités. De temps en temps, il se pose cette question : « Mélanie ne serait-elle qu’une coquine ? » Un vieux monsieur la traite tout à fait familièrement et vient passer chez elle deux ou trois heures par jour. Beyle écrit : « Ce vieux monsieur serait-il son entreteneur ? » Et un peu après : « Non, je m’étais trompé : il vient seulement lui faire répéter ses rôles. » Une phrase qui revient toutes les dix pages, c’est celle-ci : « À tel moment, si j’avais osé, je l’aurais eue. » Cela devient très comique à la longue. Finalement, il fait à Louason sa cour pendant plus d’un an sans arriver à rien. C’est timidité ; c’est aussi manque d’argent (l’argent donnant en ces affaires une grande assurance) ; c’est surtout qu’il s’applique trop, combine trop, se regarde trop faire Et, — chose admirable, — ce qu’il n’a pu conquérir par toute une