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Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/285

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reprocher l’un à l’autre…, ce sont là des douleurs d’une espèce rare et délicate, des nuances de sentiments dont la notation eût été des plus intéressantes. Songez un peu à ce que fût devenu un sujet pareil entre les mains de M. Paul Bourget, et vous verrez ce que je veux dire. Tout au moins l’auteur eût-il pu marquer avec plus de finesse les progrès du détachement de Claude et du martyre de Christine. Cette lutte de l’artiste et de la femme, Edmond et Jules de Goncourt nous l’ont racontée, avec un dénouement inverse : chez eux, c’est la femme qui tue son compagnon ; mais voyez, dans Manette et dans Charles Demailly, combien les étapes sont nombreuses et comment est graduée l’histoire du supplice de Charles et de l’abrutissement de Coriolis. Rien de tel dans l’Oeuvre. Claude aime Christine, puis est ressaisi tout entier par son art : c’est aussi simple que cela. Trois ou quatre signes sensibles de ce détachement : le jour de leur mariage (il y a des années qu’ils sont ensemble), il ne songe pas à la traiter en mariée ; il se laisse entraîner chez Irma Bécot ; il fait poser Christine pour son grand tableau et oublie de l’embrasser après la pose. Voilà toutes les étapes. Le drame est aussi simple que s’il se passait dans un ménage d’ouvriers et si la cause du mal était le jeu ou la boisson. Christine et Claude sont bien des « bonshommes physiologiques » et ne sont que cela. Ici encore je n’ose pas dire que c’est dommage, et je ne fais que constater.