Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/328

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un des plus suivis, des mieux exempts de lassitude ou de distraction. Ce sont, non pas des envolées dans l’absurde, mais comme des percées régulières, qu’on dirait faites avec des machines d’ingénieur et des instruments de précision.

J’ajoute qu’il y a un mystère dans tout cela. Les raisons que j’ai essayé de démêler n’expliquent pas, en somme, la joie bizarre que me donne l’énorme et placide déraison de ces facéties ; et peut-être aurez-vous beaucoup de peine à comprendre mon admiration et à me la pardonner, et y soupçonnerez-vous quelque gageure… Mais non, il n’y en a point… Je relis l’interview que Grosclaude est allé prendre à la plus ancienne locomotive de France, à l’occasion du cinquantenaire des chemins de fer, et je n’y résiste pas plus qu’à la première lecture. La perception rapide des rapports démesurément inattendus que l’auteur établit soudainement entre les choses, tout en alignant des phrases idiotes de reporter, me frappe d’un heurt qui me désagrège l’esprit comme le choc électrique désagrège les corps. Pourquoi ? Là est l’énigme. Peut-être éprouvé-je un plaisir malsain à me sentir violemment introduit dans une conception du monde analogue à celles que doivent édifier les cerveaux des fous, en restant à peu près sûr de me ressaisir. Il y a peut-être du vertige et quelque chose de l’attrait d’un crime à simuler ainsi, dans sa propre intelligence, les effets d’un tremblement de terre… Enfin, que vous dirai-je ? Ce n’est