Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/329

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point ma faute si des phrases comme celles-ci me délectent profondément :

« Ce n’est pas sans une respectueuse émotion que nous avons été admis en présence de ce vieux lutteur… La glorieuse locomotive habite un modeste appartement de garçon, au cinquième sur la cour… Nous sommes immédiatement introduits dans le cabinet de toilette de la respectable machine à vapeur, qui est en train de se passer un bâton de cosmétique sur le tuyau, innocente coquetterie de vieillard. »

La conversation s’engage. Elle est d’une suprême vraisemblance. C’est un interview qui ressemble à tous les interview de « vieux lutteurs » ou de « sommités scientifiques », et bientôt l’on ne sait plus au juste s’il s’agit d’une vieille locomotive ou de l’honorable M. Chevreul. Le reporter lui demande son âge et fait cette réflexion aimable que « les locomotives n’ont jamais que l’âge qu’elles paraissent » ; il l’interroge sur son hygiène : « Vous transpirez, sans doute ?… Portez-vous de la flanelle ? » Et enfin :

« — Il va sans dire qu’à l’instar de M. Chevreul et de tous nos grands macrobites vous usez du café au lait ?

« — Ni café, ni rien d’analogue ; je m’abstiens rigoureusement de thé, de liqueurs fortes, d’asperges et de femmes.

« — Cependant vous fumez ?

« — C’est ma seule faiblesse.

« — La seule ? bien vrai ?… Voyons, tout à fait entre nous, vous n’avez jamais eu de ces aimables écarts qui em-