Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/40

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passions. »… Ah ! le pauvre dandy, le pauvre mystificateur, le pauvre buveur d’opium, le pauvre diable de poète « diabolique » ! Comme il faut le plaindre !

Eh bien ! non, car, tout compte fait, il a trouvé et laissé après lui quelque chose. Son influence, après sa mort, a été très grande sur beaucoup de jeunes gens, et même sur des poètes d’un âge mûr. Le baudelairisme n’est peut-être pas une fantaisie négligeable dans l’histoire de la littérature. Il n’est pas tout entier, quoi qu’on en ait dit, dans l’application de deux ou trois procédés d’une certaine rhétorique. Quand j’ai lu pour la première fois les Fleurs du mal, je n’étais déjà plus un adolescent, et cependant j’en ai senti très vivement le charme particulier. Je les ai relues, et je voudrais vous dire l’espèce de plaisir qu’elles m’ont fait et ce que j’ai cru y voir. Mais le baudelairisme est difficile à définir. Je ne puis qu’indiquer très sommairement ce qu’il est, ou ce qu’il a l’air d’être.

C’est une des formes extrêmes, la moins spontanée et la plus maladive, de la sensibilité poétique. C’est tout un ensemble d’artifices, de contradictions volontaires. Essayons d’en noter quelques-unes.

On y trouve mêlés le réalisme et l’idéalisme. C’est la description outrée et complaisante des plus désolants détails de la réalité physique, et c’est, dans le même moment, la traduction épurée des idées et des