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Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/48

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révèle, après la distinction incomparable de l’artiste, la suprême distinction de l’homme.

Cette exquise attitude de l’esprit, il faut voir comment elle naît et de quoi elle est faite. Elle suppose beaucoup de science et de désenchantement, — et beaucoup de pudeur et d’orgueil.

Au fond de ces contes si alertes, si rapides, d’un ton si détaché, où jamais l’auteur n’exprime directement son opinion sur les hommes ni sur les choses, qu’y a-t-il ? La philosophie la plus affranchie d’illusions, la plus libre et la plus âcre sagesse.

C’est d’abord la vue la plus nette de ce qu’il y a de relatif dans la morale, et des différences foncières que les tempéraments, les siècles et les pays mettent entre les hommes.

Mateo abat son fils d’un coup de fusil pour avoir livré son hôte. Jadis, une balle l’a débarrassé d’un rival d’amour. Pour Mateo la trahison est un crime ; le meurtre, non. (Mateo Falcone.) — Don Juan de Marana a été pieux, puis sa vie n’est que meurtres et débauches. Un jour, une vision l’épouvante et le convertit, et sa vie n’est que pénitence furieuse. Mais on a l’impression que, dans ces deux états si différents, la valeur morale de don Juan reste pareille : c’est la même créature humaine, ici débridée, là terrorisée. (Les Âmes du Purgatoire.)

Par conséquent, le déterminisme le plus radical. — Il est évident que, lorsque l’adjudant met sa montre sous le nez de Fortunato, l’enfant ne peut