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Page:Lemaître - Les Contemporains, sér4, 1897.djvu/49

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pas résister à la tentation. (Mateo Falcone.) — Le lieutenant Roger est loyal, généreux, brave jusqu’à la folie. Et un jour il triche au jeu, non par désespoir, non pour sauver sa maîtresse de la misère, mais pour voler. « Quand j’ai triché ce Hollandais, je ne pensais qu’à gagner vingt-cinq napoléons, voilà tout. Je ne pensais pas à Gabrielle, et voilà pourquoi je me méprise. » (La Partie de Trictrac.)

Puis, c’est la conception la plus tragique et la plus sombre de l’amour, passion fatale, inexplicable et cruelle. L’amour est l’ennemi-né de la raison, le recruteur de la folie et de la mort. — Auguste Saint-Clair a l’intelligence la plus lucide et la plus froide. Pour rien, pour un bibelot d’étagère, il devient jaloux du passé de sa maîtresse, cherche un duel absurde et y est tué. (Le Vase étrusque.) — Dona Teresa aime don Juan, qui a tué son père, continue de l’aimer au cloître, le revoit, consent à l’enlèvement et meurt de ne pas être enlevée, comme elle serait morte de l’avoir été. (Les Âmes du Purgatoire.) — Une statue antique de Vénus va, la nuit, étouffer dans ses bras d’airain un beau garçon qui, par jeu, lui a passé au doigt son anneau de fiançailles. (La Vénus d’Ille.) Ce n’est qu’un conte merveilleusement arrangé pour nous remplir d’inquiétude et d’effroi ; mais cette Venus turbulenta, cette Vénus méchante, qui étouffe ceux qu’elle aime, c’est aussi, pour Mérimée, le symbole véridique de l’amour tel qu’il le conçoit d’ordinaire.