« Monsieur, m’a-t-il dit, c’était très bien comme c’était, et il ne fallait rien changer. Et d’abord, à quoi bon les nouveaux programmes, je vous le demande, alors que les neuf dixièmes des enfants de la campagne ont évidemment assez à faire, dans leurs cinq ou six années d’école, d’apprendre la lecture, l’écriture et les quatre règles ? Si quelques-uns, plus intelligents, ont du temps de reste pour autre chose, c’est à l’instituteur de voir ce qu’il peut bien leur montrer par surcroît. Moi, quand par hasard j’avais des élèves un peu plus malins que leurs camarades, je tâchais tout bonnement de leur enseigner ce que je savais moi-même : un peu de géographie, les grands faits et les anecdotes de l’histoire de France, le dessin linéaire et les tout premiers rudiments de la physique, de la chimie et des sciences naturelles. Pas besoin de programmes pour cela !
« Et leur gratuité, monsieur ! Cela paraît plus juste, oui. Mais si vous saviez comme c’est mauvais dans la pratique ! Autrefois, quand c’étaient les parents qui payaient les mois scolaires, ah ! je vous réponds qu’ils envoyaient régulièrement les enfants ! Aujourd’hui, ces gamins manquent l’école pour un oui, pour un non. La gratuité a tué l’assiduité. Puis, les parents, jadis, en voulaient pour leur argent ; ils s’occupaient du progrès des enfants, ils s’en informaient auprès du maître ; c’était quelquefois ennuyeux pour lui ; mais cela le stimulait, le tenait en haleine, et souvent aussi cela établissait