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Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/136

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Et je ne parle plus seulement des vers, aussi magnifiquement épandus chez l’amant d’Elvire qu’ils sont d’ordinaire courts et grêles chez l’ami de Mme du Châtelet : je parle du sentiment. Le déisme de Voltaire ne contient pas une parcelle d’amour de Dieu : Lamartine en déborde. Il est (Racine mis à part) le premier et est resté, je crois, le seul de nos grands poètes qui ait profondément ressenti et exprimé cet amour-là. Toute son œuvre, du commencement à la fin, en est pénétrée. Il est essentiellement pieux. M. Charles de Pomairols dit fort bien : « Lamartine nous semble le déiste le plus ému qui fut jamais, le seul peut-être chez qui la raison ait pu alimenter une adoration aussi fervente. Preuve manifeste de sa profonde sensibilité ! On se dit avec étonnement qu’elle devait être bien puissante, pour se maintenir si religieuse dans une philosophie d’ordinaire si dépouillée. »

C’est, — avec l’abondante splendeur de l’imagination, — cette ardeur du sentiment religieux qui sauve de la sécheresse et de la banalité les discours déistes de Lamartine, et qui les empêche d’être des dissertations. Et, de même, au Carpe diem des Horace et des Parny, ajoutez le sentiment religieux ; et, si vous avez du génie, vous écrirez le Lac. Non que le nom de Dieu soit ici prononcé ; mais, par le seul mouvement ascensionnel de l’amour et du désir, par l’évocation, dès le début, de la « nuit éternelle » et de l’« océan des âges », par la soif d’étendre son