Aller au contenu

Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/150

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Vers splendides, qui me sont un acheminement à vous parler du « pittoresque » de Lamartine.

Lamartine voit la nature comme le grand peintre Puvis de Chavannes (j’ai déjà fait ce rapprochement, qui me paraît inévitable). Il la domine et la simplifie, de manière à produire, à l’ordinaire, une impression de grandeur, de sérénité et d’allègement spirituel. Les Harmonies sont, pour la plupart, des paysages qui prient. Les formes y sont ordonnées par groupes, sous le ciel libre, comme pour un chœur, pour un hymne en commun. Donc, pas de « coins » ni de menues curiosités descriptives. Mais Lamartine n’en est pas moins un rustique ; il a vu, il a touché les choses de la campagne. Il peint par très larges touches, mais avec une réelle connaissance de son objet, et souvent avec une familiarité, une naïveté du plus grand air. Et de là, très souvent, des traits d’un pittoresque aisé et délicieux, très ingénu, très franc, souvent très hardi sans y tâcher.

Ces traits abondent dans la pièce des Méditations dont je vous parlais tout à l’heure :

  De grands golfes d’azur, où de rêveuses voiles,
  Répercutant le jour sur leurs ailes de toiles,
  Passent d’un bord à l’autre, avec les blonds troupeaux,
  Les foins fauchés d’hier qui trempent dans les eaux.
 . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . . .
  Plus loin, les noirs sapins, mousses des précipices,
  Et les grands prés tachés d’éclatantes génisses