Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/16

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l’y comparer ! Juger toujours, c’est peut-être ne jamais jouir. Je ne serais pas étonné que M. Brunetière fût devenu réellement incapable de « lire pour son plaisir ». Il craindrait d’être dupe, il croirait même commettre un péché. Là est notre revanche à nous. Cela nous est égal de nous tromper en aimant ce qui nous plaît ou nous amuse, et d’avoir à sourire demain de nos admirations d’aujourd’hui. Consentant au plaisir, nous consentons à l’erreur. Mais d’abord nos erreurs sont sans conséquence ; elles ne sont pas liées entre elles ; elles ne portent que sur des cas particuliers : au lieu que si, d’aventure, M. Brunetière se trompait, ce serait effroyable ; car, outre que son erreur aurait été sans plaisir, elle serait sans recours ni remède ; elle serait totale et irréparable ; ce serait un écroulement de tout lui-même. Or, il ne se trompe point, sans doute : mais enfin qui le jurerait ? — Et ne dites pas non plus que la critique personnelle, la critique impressionniste, la critique voluptueuse, comme vous voudrez l’appeler, est bien pauvre vraiment et bien mesquine comparée à l’autre critique, à celle qui fait entrer le ressouvenir des siècles dans chacune de ses appréciations. Lire un livre