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Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/209

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volupté n’est donc pas la même chose que le confortable. — Puis, ces tableaux d’orgies démesurées, ces jonchées de nudités sur des nudités et ce qu’elles suggèrent si l’on y arrête son esprit, toutes ces images, qui, exprimées par un écrivain sensuel, — fût-il médiocre, — finiraient assurément par émouvoir vos sens, vous serez surpris que, en dépit de la bonne volonté de Lamartine, et du pullulement et de la minutie des détails juxtaposés (qui rappellent, ici, Théophile de Viaud ou Saint-Amand bien plus encore que les poètes indous), elles demeurent si froides et vous laissent si parfaitement tranquille.

C’est sans doute que Lamartine, écrivain, est chaste invinciblement. Les nudités abondent dans la Chute d’un ange : mais la sévère Mme de Lamartine avait bien tort d’en vouloir ôter, quand elle recopiait les manuscrits de son mari. Car elles ne sont pas plus troublantes en vérité que les descriptions de la nature végétative, fleurs, fruits, feuillages, eaux souples ; ou, si elles le sont à la longue, elles le sont exactement de la même façon.

Et, par exemple, dans la « Première Vision », la description du corps de Daïdha endormie n’a pas moins de soixante-dix vers ; chacune des parties de ce corps, — les bras, le cou, les mains, les doigts, les épaules, les cheveux, le sein, la hanche, le visage, les yeux, les paupières, le nez, la bouche, etc., — nous est dépeinte avec une minutie d’artiste primitif : mais, de ces soixante-dix vers, le grain de poivre est