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Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/347

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hardi. Il n’a peur ni des faits ni des idées. Il accepte la démocratie. Il a de très larges vues d’historien et de belles pénétrations. Il a, dans ces derniers temps, beaucoup encouragé le pape. Mais, comme il est académicien, qu’il mène forcément une vie plutôt artificielle et mondaine, la vie que son nom et sa condition lui imposent, et qu’il est, quoi qu’il fasse, sinon d’une coterie, au moins d’une société, avec qui sa pensée intime n’a presque rien de commun, il semble, en quelque manière, exilé dans son monde.

Je l’ai prié, un jour, bien indiscrètement, de formuler son credo. Lorsqu’il s’écriait : « Croyons ! » sans nous dire à quoi, je l’ai comparé à ces ténors qui chantent : « Marchons ! » sans bouger de place. C’était pure taquinerie. Le devoir de pitié, de charité, d’aide mutuelle et de renoncement peut être promulgué en dehors de tout dogme confessionnel ou philosophique. C’est le cas de dire, comme ce personnage de Molière : « J’y crois pour ce que j’y crois. » Néanmoins, si j’ose le dire, la conception du devoir, chez M. de Vogüé, ne me paraît que provisoirement coupée du dogme catholique. Il sait très bien lui-même qu’il mourra confessé… Et ainsi, en attendant, il semble exilé de sa religion et exilé dans sa morale.

Enfin il se préoccupe extrêmement des humbles et des petits ; il se penche sur le peuple. Sévère pour l’individualisme, désireux de sentir avec les