Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/372

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

cinq ans, et j’ai presque un remords. C’était à propos du volume intitulé : Sur l’eau, où des méditations moroses, des soliloques désespérés alternaient avec d’admirables descriptions de paysages marins. J’écrivis alors, étourdiment :

«… Tels sont les lieux communs développés par M. de Maupassant. Je ne vous les donne pas pour très neufs, — ni lui non plus, je pense… C’est beaucoup de tristesse et de férocité à la fois. Il est extraordinaire qu’on ne soit pas plus gai sur un yacht qui porte le joyeux nom de Bel-Ami ; et M. de Maupassant, schopenhauérisant sur son bateau, « nous en monte un, » dirait quelque mauvais plaisant. J’ai l’esprit si mal fait que le pessimisme trop étalé m’offense presque autant que l’optimisme béat. Il me semble que, lorsqu’on est en somme parmi les privilégiés de ce monde, lorsqu’on ne souffre ni continuellement, ni trop violemment dans son corps, et qu’on est préservé des extrêmes douleurs morales par la littérature et l’analyse (lesquelles, soyez-en sûrs, nous sauvent de plus de maux qu’elles ne nous interdisent de joies), une sorte de pudeur devrait vous empêcher de répéter trop longuement des plaintes déjà développées par d’autres. Un écrivain célèbre qui souffre de la grande misère humaine en souffre surtout par procuration, songez-y. Dès lors, je crains un peu de rhétorique. »

Je vois maintenant qu’il n’y en avait pas. J’aurais dû reconnaître, dans le cas de Maupassant, autre