Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/77

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faisaient pleurer, ce dont je lui sais particulièrement gré, et il écrivit, dans les Odeurs de Paris, des pages singulièrement pénétrantes sur Britannicus. Dans Saint-Simon, l’écrivain lui plaît, mais l’homme lui est odieux. «… Certes ses Mémoires sont un beau pays, et plantureux à merveille : mais il y a des fondrières et des bêtes venimeuses, et je n’aime pas à me promener en compagnie de ce duc enragé… Tout le jour courbé comme le plus souple courtisan, il éponge les souillures et les scandales ; il se sature et, le soir, il dégorge en flots de lave… Il se cache, il fabrique ses prétendues histoires en secret comme on fabrique de la fausse monnaie… On ne connaît aucun autre exemple d’une telle force ni d’une telle lâcheté… » Lisez tout le morceau, qui est superbe, et où se révèle une fois de plus une âme vraiment noble et bonne (j’y reviens toujours). — Il adore Sévigné et lui passe tout. Chose remarquable, il aime peu Molière et son naturalisme ; il le voit déjà comme le verra M. Brunetière. Il n’aime pas La Rochefoucauld (« c’est un précieux peu aimable et peu sincère »), ni Montaigne. Il aurait plutôt un faible secret pour Rabelais. Il témoigne plus de respect que d’affection à Pascal, dont la foi est trop inquiète pour lui. Mais Gil Blas est « le premier livre qui le dégoûta de la littérature du XVIIIe siècle ». L’écrivain qu’il aima le plus quand il commença à savoir lire, ce fut La Bruyère, et son style en demeura pour toujours imprégné. Devenu chrétien, il fut plein de Bossuet.