Page:Lemaître - Les Contemporains, sér6, 26e mille.djvu/91

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tiellement rationaliste, c’est-à-dire impie, au surplus purement bourgeoise ; qu’elle n’a profité qu’aux classes moyennes : curée pour celles-ci, mystification pour le peuple ; et qu’elle a rendu la vie plus lourde aux petits en leur enlevant ce qui était l’allégement et faisait la dignité de leur condition. La Révolution est, pour Veuillot, la dernière des hérésies. Et c’est ainsi que, comme je l’ai déjà remarqué, Veuillot, du moins par ses négations, est moins loin du socialisme, si énergiquement qu’il l’ait combattu, que du libéralisme bourgeois.

Bref, il croit que la philosophie ne peut rien pour le bonheur, même terrestre, des hommes (car le matérialisme les dispense de se contraindre, et le spiritualisme ne peut que le leur conseiller, sans leur en apporter les moyens). Reste donc l’Église. Seule elle peut « sauver » le monde, même selon la chair : car seule elle a qualité pour enseigner à la fois au peuple la résignation, et le sacrifice à ceux qui sont au-dessus du peuple.

Veuillot est un grand rêveur. Misanthrope à l’égard du présent, il est d’un optimisme fou dans le passé et dans l’avenir.

Le passé, il le transfigure ; il voit le moyen âge et l’ancien régime comme il lui plaît de les voir. Il ne doute point que le moyen âge n’ait connu la fraternité divine dans l’inégalité apparente des conditions et n’ait presque réalisé l’unité morale néces-