Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/152

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que dans les moments où ils agissent ; et il n’est pas un de leurs sentiments qui ne soit accompagné d’un geste, d’un air de visage, commenté par une attitude, une silhouette. C’est à cause de cela qu’ils nous entrent si avant dans l’imagination et qu’ils nous restent dans la mémoire. — Les personnages des romans « psychologiques » redeviennent pour nous, la lecture finie, des ombres vaines. Mais, presque autant que le pesant Balzac, Daudet, de sa main légère, pétrit des êtres qui continuent de vivre, et « fait concurrence à l’état civil ».

Ce réaliste est cordial. Il aime ; il a pitié ; il ne dédaigne point. Il s’est préservé de ce pessimisme brutal et méprisant qui fut à la mode et qui s’appela, on ne sait pourquoi, le naturalisme. Alphonse Daudet a été, dans un coin de tous ses livres, le poète affectueux des petites gens et des humbles destinées.

Mais ce réaliste à mi-côte est aussi un grand historien des mœurs, et qui s’est trouvé aisément égal aux plus grands sujets. Une part notable de l’histoire du second Empire et de la troisième République est évoquée dans le Nabab et dans ce Numa Roumestan dont la personne et l’aventure sont si largement représentatives du monde et de la vie politique d’il y a quinze ans. Les Rois en exil, c’est presque toute la tragédie des rois d’aujourd’hui. L’Évangéliste est une des plus fortes études que je sache du fanatisme religieux ; et combien curieuse, cette rencontre de l’esprit protestant avec l’âme de