Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/214

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la nation se divise exactement en prolétaires et en bourgeois. Et dès lors, il est bien à l’aise ; il sait pour qui il doit être, et contre qui, toujours et quoi qu’il arrive. Oh ! oui, cela est simple.

Par suite, l’esprit révolutionnaire délivre aussi de tout scrupule quant aux actes. Pour lui, très réellement la fin justifie et sanctifie les moyens. Que son idéal social, prêché d’une certaine façon aux intéressés, ne caresse en réalité que leurs instincts et leurs appétits et les pousse à des révoltes qui, même justes à l’origine, se corrompent chemin faisant, leur deviennent rapidement désastreuses et les laissent à la fois moins bons et plus misérables, l’esprit révolutionnaire n’en a point souci. Il admet, par définition, la légitimité de la violence et de ces aveugles mouvements populaires qui font toujours, nécessairement, des victimes innocentes. N’est-il pas d’avance absous de toutes les conséquences de ses actes par la beauté de son rêve ? Et les oppresseurs ne sont-ils pas toujours, et dans tous les cas, seuls responsables de toutes les souffrances des opprimés et, au besoin, de leurs crimes mêmes ?

Et voici la merveille : en retour de ces avantages, l’esprit dont je parle n’impose à ceux qui en sont animés aucune vertu ni aucun sacrifice particulièrement difficile. Je sais que de bons nigauds de bourgeois les ont quelquefois comparés aux disciples