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notre vie morale, un lien existe, assez facile à percevoir. Mais, entre notre vie morale et intellectuelle et le don mathématique, il n’y a le plus souvent nul rapport.

L’entrée à l’X prouve qu’on a fait pendant trois ou quatre ans, avec application, des mathématiques spéciales, et ne prouve rien de plus. Cela est fort bien, cela est fort estimable : cela n’est pas éblouissant. Pris à part et considéré en soi, un polytechnicien de force ordinaire n’a rien de surprenant ni de sacré. C’est un fort travailleur qui avait un petit don, et que le fantasque hasard des examens a favorisé ; voilà tout.

Sorti de l’École, il continuerait à ne briller, par lui-même, que d’un éclat tempéré. Dans plus de la moitié des cas, un ancien élève de l’X est un homme qui, ayant aspiré à l’honneur de fabriquer du tabac, est réduit au désagrément de faire manœuvrer des canons ou de bâtir des casernes. C’est un soldat malgré lui ; c’est, moralement, un déclassé.

Mais, si un polytechnicien isolé est presque aussi proche du néant que les autres hommes, tous les polytechniciens ensemble sont infiniment imposants, et l’École elle-même est une chose immense. Et, avec le costume, le chapeau, l’épée, les traditions, l’argot spécial, ce sont les brimades, en quelque manière, qui la font auguste. Ayant un air de sacrement, elles lui donnent un air de temple.