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Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/342

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igence, l’éducation, la distinction morale. Il dut y avoir nécessairement de ces nuances dans les sentiments qu’éprouvèrent les premiers chrétiens patriciens pour leurs frères esclaves. Et l’effacement de ces nuances sous la pourpre du commun martyre eût été ici presque tout le drame.

Au reste, dans ce drame que je rêve, Blandine ne payerait point de mine. Elle ne serait point la belle fille à la robe blanche et aux longs cheveux soignés qu’on nous montrerait certainement si la pièce de M. Barbier était représentée. Elle serait petite, faible de corps, plutôt laide, comme il semble qu’elle ait été dans la réalité. Et ce serait une raison de plus pour que ses frères patriciens, lettrés, élégants, l’eussent non pas dédaignée, mais négligée un peu, et presque ignorée. Or, du jour où il s’agirait de souffrir et de verser son sang, il apparaîtrait tout aussitôt que l’âme de la fille chétive et disgraciée est plus forte, plus douce et plus haute que celle même de ses plus saints compagnons. Cela se ferait sans qu’elle s’y efforçât. Elle demeurerait modeste, elle ne se mettrait point en avant ; mais on irait à elle parce qu’on sentirait en elle une divine flamme de charité et de foi. Elle serait le guide et le réconfort de tous. Elle aurait des mots simples et profonds, que je ne me charge point de trouver, des mots qui ressembleraient à quelques-uns de ceux que Tolstoï a su prêter au vieil Akim ou à Platon Karatief. Et la patricienne Æmilia découvrirait avec étonnement et