Page:Lemaître - Les Contemporains, sér7, Boivin.djvu/346

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(et je ne vois pas pourquoi l’Odéon n’en tenterait pas l’épreuve), peut-être paraîtrait-elle au public intéressante, colorée, violemment dramatique, qui sait ?… Mais à la lecture, et jusqu’à l’endroit où j’en ai arrêté le compte rendu, cette œuvre intelligente ne semble point particulièrement neuve, et je dirais qu’elle rentre dans l’ordinaire « formule » des tragédies romano-chrétiennes, si, dans sa dernière partie, ne se marquait fort heureusement le dessein par lequel surtout elle vaut.

Ç’a été une « opinion distinguée », du moins parmi les journalistes, et c’est devenu un lieu commun, de rapprocher nos révolutionnaires les plus emportés, et spécialement nos anarchistes, des chrétiens de la primitive Église, et d’affirmer qu’ils se ressemblent comme des frères. Si l’on considère en elles-mêmes ces deux espèces d’hommes, rien de plus faux qu’un tel rapprochement, puisque les chrétiens étaient chastes, doux, résignés, qu’ils combattaient en eux la « nature » à laquelle nos « libertaires » font profession de s’abandonner ; qu’ils pratiquaient justement les vertus qu’un bon anarchiste doit avoir le plus en horreur ; et qu’ils ne tuaient pas, mais, au contraire, se laissaient tuer. Sans compter qu’ils étaient déjà par leurs croyances (il n’y a pas à dire !) des manières de « cléricaux. » Mais avec tout cela, il est certain que les chrétiens devaient être assez exactement, aux yeux de la société régulière des premiers siècles, ce que les plus violents révolu-