Page:Lemaître - Les Rois, 1893, éd2.djvu/257

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empêcher ses soupçons de se préciser.

La vérité, c’est que tous les valets d’écurie du château royal, qu’elle rencontrait à Steinbach en allant aux provisions, avaient fait d’elle à leur guise, pourvu qu’ils fussent jeunes et passablement bâtis. Elle ne leur demandait rien que le plaisir, un verre de limonade, parfois un fichu ou un nœud de fausse dentelle. C’était la meilleure et la plus indulgente paillasse à palefreniers.

Si elle n’avait pas cédé tout de suite au prince Otto, quoiqu’elle devinât en lui un « homme très bien », c’est qu’elle le trouvait tout de même un peu défraîchi.

Défraîchi, il l’était. Ses soucis des derniers mois avaient blanchi ses tempes, creusé ses joues, gonflé les pochettes de ses yeux. Son château de Grotenbach vendu, l’arrêt mis par Issachar sur sa dotation annuelle de douze cent mille francs, il était venu se terrer à Loewenbrunn et s’y ennuyait prodigieusement Comme il n’avait ni dans son cœur ni dans son cerveau de quoi remplir honnêtement le vide des heures, sa solitude se peuplait de rêves honteux. Depuis longtemps, il était à ce point blasé--et cependant inassouvi--que le vice ne lui disait plus rien, s’il ne sentait un peu mauvais.