Page:Lemaître - Les Rois, 1893, éd2.djvu/29

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Et, par l’une des fenêtres, on pouvait voir, de l’autre côté du fleuve, le dôme byzantin de la cathédrale de Marbourg, où, depuis neuf cents ans, tous les rois d’Alfanie avaient été sacrés.

Hermann s’approcha, l’attitude respectueuse et contrainte. Jamais il n’y avait eu la moindre intimité entre le fils et le père, soit que celui-ci fût incapable de tout abandon, soit qu’ils fussent tous deux incompréhensibles l’un pour l’autre. Faible, les yeux éteints, recroquevillé par les rhumatismes et ne remplissant plus qu’un coin de la chaire monumentale d’Otto III, Christian XVI ressemblait pourtant encore, par la coupe et l’expression du visage, aux portraits de rois, presque tous robustes, énergiques et rudes, qui couvraient les murailles de l’antique salle. Il était bien de leur race. Mais le prince Hermann, avec ses traits affinés et doux, paraissait d’une autre famille. Il avait l’air, devant cette immobile rangée de visages dominateurs, d’un clerc studieux, fourvoyé dans une assemblée de hauts barons.

Le silence se prolongeait. Enfin, le roi fit un effort et, lentement, avec une gravité volontairement solennelle :

— Mon fils, je sais que vous êtes bon, laborieux,