Page:Lemaître - Les Rois, 1893, éd2.djvu/74

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vénitiennes, parmi les antiques orangers, si serrés et si hauts qu’ils formaient des bosquets et des allées.

Hermann se tut quelques instants, comme s’il eût craint, en parlant, de rompre un charme. Enfin, il dit à son amie :

— Eh bien, Frida, êtes-vous contente ?

— Oui, je suis heureuse, bien heureuse… Vous allez pouvoir faire tant de bien ! Comme le peuple va vous adorer ! et comme je suis fière de vous appartenir !

Elle le regarda. Il avait posé sa tête sur sa main, d’un air de lassitude.

— Mais vous, monseigneur, on dirait que vous êtes triste. Qu’avez-vous donc ?

— Ce que j’ai, Frida ? J’ai que je commence à devenir roi, et cela est terrible… Ah ! Frida, si vous saviez ! Je suis bien sûr pourtant que ce que je veux est juste. Même je me suis mis tout de suite à ma tâche et j’ai fait tantôt, devant Moellnitz, les gestes de la confiance… Mais déjà je ne suis plus tranquille, et j’ai déjà l’angoisse de ma responsabilité… Oh ! n’être pas obligé de découvrir et d’inventer son devoir ! n’être qu’une tête dans la foule ! ou n’avoir qu’une consigne très claire et très étroite, comme le garde-chasse de notre petite maison d’Orsova !