Page:Lemaître - Les Rois, 1893, éd2.djvu/92

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parties que Frida avait faites avec ce guenillon ! Quand il faisait trop mauvais temps, les deux petites filles se réfugiaient dans les greniers. Il y avait de vieux livres jetés dans un coin. C’était la _Vie des Saints_, des volumes dépareillés de Gogol, un vieux petit livre à tranches rouges, qui contenait des anecdotes traduites du français sur le XVIIIe siècle. La plus belle commençait ainsi : « Au temps où madame de Pompadour régnait sur la France… » Frida lisait tout haut. Roulée à ses pieds, en boule, Annouchka l’écoutait avec extase…

Puis Frida tombait malade : la petite vérole, la fièvre, le délire… Et la seule vision qui lui était restée de tout cela, c’était Annouchka à son chevet, remuant des tisanes, Annouchka accroupie par terre, Annouchka à cheval sur le petit lit, tenant les mains de son amie, doucement et pourtant de toutes ses forces, et l’empêchant de se gratter la figure. On avait dit à Annouchka que, si la malade se grattait, elle deviendrait laide, et la petite sauvage veillait sur la beauté de sa maîtresse, comme un gnome sur un trésor.

Le jour où Frida commençait à aller mieux (c’était en mai, et il y avait des raies de soleil sur