Page:Lemaître - Les Rois, 1893, éd2.djvu/98

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cette pauvresse kirghize ! De quel cœur, en la quittant, Frida l’avait embrassée, la bonne sauvage !

La fin du voyage fut plus facile, car le printemps était venu, un printemps d’extrême Nord, soudain et presque brutal, et bientôt brûlant comme un été. Après des stations dans les bureaux de la petite ville voisine, Frida et sa mère étaient conduites à la maison de force. Une haute palissade formée de pieux énormes, carrée, sur un plateau nu. A l’intérieur, de longues constructions de bois, très basses, dans une vaste cour ; çà et là, des sentinelles en marche, l’arme sur l’épaule. Les visiteuses furent introduites dans une cahute en planches, à côté de la poterne. Un soldat amena le prince Kariskine.

Frida se jeta dans ses bras :

— Ah ! mon grand-père ! mon cher grand-père !

Le prisonnier effleura à peine le front de l’enfant. Il n’avait pas soixante ans quand il était arrivé à la maison de force ; il en paraissait maintenant quatre-vingts. Une année de Sibérie avait fait de lui une loque humaine. Ses yeux étaient morts, sa barbe jaune comme celle d’un vieux pauvre. Tandis que la comtesse,