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6 Aman étant entre, le roi lui dit : Que doit-on faire pour honorer un homme que le roi désire de combler d’honneur ? Aman pensant en lui-même, et s’imaginant que le roi n’en voulait point honorer d’autre que lui,

7 lui répondit : Il faut que l’homme que le roi veut honorer,

8 soit vêtu des habits royaux ; qu’il soit monté sur un des chevaux que le roi monte ; qu’il ait le diadème royal sur sa tête,

9 et que le premier des princes et des grands de la cour du roi tienne son cheval par les rènes ; et que marchant devant lui par la place de la ville, il crie : C’est ainsi que sera honoré celui qu’il plaira au roi d’honorer.

10 Le roi lui répondit : Hâtez-vous donc, prenez une robe et un cheval ; et tout ce que vous avez dit, faites-le à Mardochée, Juif, qui est devant la porte du palais. Prenez bien garde de ne rien oublier de tout ce que vous venez de dire.

11 Aman prit donc une robe royale et un cheval ; et ayant revêtu Mardochée de la robe dans la place de la ville, et lui ayant fait monter le cheval, il marchait devant lui, et criait : C’est ainsi que mérite d’être honoré celui qu’il plaira au roi d’honorer.

12 Mardochée revint aussitôt à la porte du palais ; et Aman s’en retourna chez lui en grande hâte, tout affligé, et ayant la tête couverte.

13 Il raconta à Zarès, sa femme, et à ses amis tout ce qui lui était arrivé ; et les sages dont il prenait conseil, et sa femme, lui répondirent : Si ce Mardochée devant lequel vous avez commencé de tomber, est de la race des Juifs, vous ne pourrez lui résister; mais vous tomberez devant lui.

14 Lorsqu’ils lui parlaient encore, les eunuques du roi survinrent, et l’obligèrent de venir aussitôt au festin que la reine avait préparé.



LE roi vint donc, et Aman avec lui, pour boire et manger avec la reine.

2 Et le roi dans la chaleur du vin lui dit encore ce second jour : Que me demandez-vous, Esther ? et que désirez-vous que je fasse ? Quand vous me demanderiez la moitié de mon royaume, je vous la donnerais.

3 Esther lui répondit : O roi ! si j’ai trouvé grâce devant vos yeux, je vous conjure de m’accorder, s’il vous plaît, ma propre vie, et celle de mon peuple pour lequel j’implore votre clémence.

4 Car nous avons été livrés, moi et mon peuple, pour être foulés aux pieds, pour être égorgés et exterminés. Et plût à Dieu qu’on nous vendît au moins et hommes et femmes comme des esclaves ! ce mal serait supportable, et je me tairais en me contentant de gémir ; mais maintenant nous avons un ennemi dont la cruauté retombe sur le roi même.

5 Le roi Assuérus lui répondit : Qui est celui-là ? et qui est assez puissant pour oser faire ce que vous dites ?

6 Esther lui répondit : C’est cet Aman que vous voyez, qui est notre cruel adversaire et notre ennemi mortel. Aman entendant ceci demeura tout interdit, ne pouvant supporter les regards ni du roi ni de la reine.

7 Le roi en même temps se leva tout en colère ; et étant sorti du lieu du festin, il entra dans un jardin planté d’arbres. Aman se leva aussi de table, pour supplier la reine Esther de lui sauver la vie, parce qu’il avait bien vu que le roi était résolu de le perdre.

8 Assuérus étant revenu du jardin planté d’arbres, et étant rentré dans le lieu du festin, trouva qu’Aman s’était jeté sur le lit où était Esther, et il dit : Comment ! il veut même faire violence à la reine en ma présence et dans ma maison ! A peine cette parole était sortie de la bouche du roi, qu’on couvrit le visage à Aman.

9 Alors Harbona, l’un des eunuques qui servaient d’ordinaire le roi, lui dit : Il y a une potence de cinquante coudées de haut dans la maison d’Aman, qu’il avait fait préparer pour Mardochée, qui a donné un avis salutaire au roi. Le roi dit : Qu’Aman y soit pendu tout à cette heure.

10 Aman fut donc pendu à la potence qu’il avait préparée à Mardochée. Et la colère du roi s’apaisa.



LE même jour le roi Assuérus donna à la reine Esther la maison d’Aman, ennemi des Juifs, et Mardochée fut présenté au roi. Car Esther lui avait avoué qu’il était son oncle.

2 Et le roi commandant qu’on reprît son anneau qu’Aman avait eu, le donna à Mardochée. Esther fit aussi Mardochée intendant de sa maison.

3 Esther n’étant pas encore contente, alla se jeter aux pieds du roi, et le conjura avec larmes d’arrêter les mauvais effets de l’entreprise pleine de malice qu’Aman, fils d’Agag, avait formée pour perdre les Juifs.

4 Le roi lui tendit son sceptre d’or, pour lui donner, selon la coutume, des marques de sa bonté. Et la reine se levant et se tenant en sa présence,

5 lui dit : S’il plait au roi, si j’ai trouvé grâce devant ses yeux, et si ma prière ne lui paraît pas contraire à ses intentions, je le conjure de vouloir ordonner que les premières lettres d’Aman, ennemi des Juifs, qui ne cherchait qu’à les perdre, par lesquelles il avait commandé qu’on les exterminât dans toutes les provinces