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Page:Lemerre - Anthologie des poètes français du XIXème siècle, t2, 1887.djvu/193

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EUGÈNE MANUEL.

                                             — Trop tard ? En es-tu sûre ?
Dit l’homme en éclatant : et puisque notre enfant
Vient nous parier encore, et qu’elle nous défend
De partager la robe où nous l’avons connue,
Et que pour nous gronder son âme est revenue,
Veux-tu me pardonner ? je ne peux plus partir ! »
Il s’assit. De ses yeux coulait le repentir.
Elle courut à lui :
                            « Tu pleures !… ta main tremble ?… »
Et tous deux, sanglotant, dirent : « Restons ensemble ! »

(Poèmes populaires)





LE BERCEAU




Quel temple pour son fils elle a rêvé neuf mois !
Comme elle fêtera l’enfant dont Dieu dispose !
Il lui faut un berceau tel que les fils de rois
N’en ont point de pareils, si beaux qu’on les suppose !

Fi de l’osier flexible, ou bien du simple bois !
L’artiste a dessiné la forme qu’elle impose :
Elle y veut incruster la nacre au bois de rose ;
Il serait d’or massif, s’il était à son choix !

Rien ne semble trop cher, dentelle ni guipure,
Pour encadrer de blanc cette tête si pure,
Dans le lit qu’on apprête à son calme sommeil.

Il est venu, le fils dont elle était si fière ;
Il est fait, le berceau, — le berceau sans réveil ! —
Il est de chêne, hélas ! et ce n’est qu’une bière.

(Pages intimes)