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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


SOUVENIRS FANÉS




Que me veux-tu, fleur oubliée,
Ô mystérieux souvenir ?
Dans cette page repliée
Que fais-tu ? D’où peux-tu venir ?

Prisonnière que je délivre,
Fantôme frêle et fatigué,
Lorsque je te mis dans ce livre,
Étais-je triste ? étais-je gai ?

La main qui t’avait ramassée
Dans le bois, au bord du chemin,
Peut-elle encore être pressée ?
Connaît-elle encore ma main ?

Ombre de fleur, douce et hagarde,
Ton grand œil bleu décoloré
Avec fixité me regarde,
Comme pâli d’avoir pleuré.

En vain dans tout mon passé j’erre,
Remontant les jours révolus,
Ma pauvre petite étrangère,
Hélas ! je ne te connais plus.

Mais reçois mon culte anonyme ;
Pardonne à mon cœur affaibli,
Et que ton odeur se ranime :
J’élève un autel à l’oubli.