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ÉMILE CHEVÉ.


Il n’avait peur de rien, excepté des fantômes
Qui par les nuits sans lune errent sous les palmiers,
Et du vent de minuit qui grince sur les chaumes,
Ainsi qu’un frôlement d’Esprits ou de sorciers.

Il me fallut partir pour une île prochaine :
C’était pour secourir un vaisseau naufragé.
De retour dans la baie au bout d’une semaine,
Je cherchai mon tayo : le roi l’avait mangé !

Le grand-prêtre avait dit au roi : « Si la vieillesse
Et si le mal rongeur courbent ton noble front,
Repais-toi d’un guerrier : sa vigueur, sa souplesse,
Et son âme vaillante en ton corps passeront. »

Et pour s’incorporer sa jeunesse et sa force,
Pour rafraîchir un sang par la lymphe épaissi,
Le roi l’avait mangé sur un grand plat d’écorce,
Pimenté bien à point, de patates farci.

(Les Océans)



L’HYMNE ÉTERNEL




Autour de chaque étoile au loin tournent des terres,
La tête et les pieds pris dans des suaires blancs,
Portant un baudrier flamboyant de cratères ;
Une écharpe de grains est nouée à leurs flancs.

Leurs corps sont bigarrés d’argent et d’émeraude
Par les sables brûlants et les océans froids ;
Leur robe de lapis et de cristal se brode
Par le miroir des lacs et le fil des détroits.