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ARMAND RENAUD.

Vers le soir, de nouveau, j’allai voir ma victime ;
Elle ne faisait plus ni mouvements ni cris,
Ses yeux avaient perdu leur éclat ; je compris
Que pour l’oiseau blessé venait l’heure de l’ombre.
Espérant que la mort lui paraîtrait moins sombre
Sur les bords où jadis il fut, à peine éclos,
Rapide je repris la route des grands flots.
Debout sur l’Océan comme un disque qui roule,
Le soleil de ses feux diamantait la houle.
La terre, à l’orient, immobile et sans bruit,
Se livrait lentement au baiser de la nuit.
Quand j’eus posé l’oiseau sur la roche connue,
Il tendit faiblement ses ailes vers la nue,
Il regarda la mer superbe, ce miroir
Où, pendant qu’il volait, le suivait un point noir.
Puis un tressaillement l’ébranla. Sa paupière
S’éteignit. Il tomba, raide et froid, sur la pierre.

C’était l’heure du flux ; lui, quand il veut, si fort,
Il vint tout doucement effleurer l’oiseau mort,
À plaisir l’entoura de son onde fidèle ;
Et bientôt, loin de l’œil des hommes, l’hirondelle
Roula dans l’Océan tumultueux et beau,
Qu’elle avait pour patrie et qu’elle eut pour tombeau.

(Recueil intime)







LE SOLDAT DE MARATHON



Ce n’était qu’un soldat obscur entre dix mille.
Quand on eut la victoire, il voulut, le premier,
En porter la nouvelle à sa lointaine ville,
Et partit, fier coureur agitant un laurier.