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GEORGES LAFENESTRE.


HYMNE


Je porte en moi l’âme du monde,
Du monde entier, du riche et mobile univers,
Âme agitée, âme féconde
Où des printemps hardis chassent les durs hivers !

La terre en qui je prends ma force
M’associe à sa joie autant qu’à ses douleurs,
Comme l’arbuste à frêle écorce
Qui vit de sa rosée et porte ses couleurs.

Ô misère ! la froide brume
Appesantit mon rêve en inclinant les bois !
Ô splendeur ! L’aube qui s’allume
Dans tous les plis du cœur m’illumine à la fois !

Hors de moi s’enfuit quelque chose
Sur le cours d’eau, sur l’aile errante des ramiers ;
Elle s’ouvre en moi, blanche et rose,
La floraison d’avril qui rit dans les pommiers !

Avec les cimes balancées
Des sapins ténébreux qui gémissent en chœurs,
Se vont lamentant mes pensées,
Qui se dressent alors vers d’étranges hauteurs ;

Et le mot, le seul mot d’espace
Ouvre, en mon crâne étroit, de si vastes déserts,
Que l’hirondelle, bientôt lasse,
Regrette, à les franchir, l’immensité des mers !