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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.

On eût dit, non pas qu’il s’initiait à cet art à la fois si matériel et si divin, mais qu’il le rapprenait, ou plutôt qu’il s’en ressouvenait ; et en même temps les cadres, les formes connues, l’histoire littéraire, toute la tradition de la poésie furent embrassés, devinés par lui avec une foudroyante rapidité. Après le poète dont le hasard lui avait mis l’œuvre entre les mains, il lut, posséda tous les autres ; puis, la critique, l’érudition, l’histoire, les langues anciennes, il apprit tout avec l’étonnante facilité d’un esprit que n’encombre nulle science mal enseignée, et il est mort savant, mais, grâce au ciel, ignorant qu’il était savant, et n’ayant rien perdu de la virginité d’impression et de l’imagination rapide qui font le poète.

Ce qui constitue l’originalité curieuse et sans égale d’Albert Glatigny, c’est qu’il est non pas un poète de seconde main et en grande partie artificiel, comme ceux que produisent les civilisations très parfaites, mais, si ce mot peut rendre ma pensée, un poète primitif, pareil à ceux des âges anciens, et qui eût été poète quand même on l’eût abandonné petit enfant, seul et nu dans une île déserte.

Les œuvres de Glatigny se trouvent chez A. Lemerre.

Théodore de Banville.



LA NORMANDE



Elle est belle vraiment la Normande robuste
Avec son large col implanté grassement,
Avec ses seins, orgueil et gloire de son buste
Que fait mouvoir sans cesse un lourd balancement !

Elle est belle la fille aux épaules solides,
Belle comme la Force aveugle et sans effroi !
Il faut pour l’adorer longtemps des cœurs valides
À l’épreuve du chaud, de la pluie et du froid.