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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Ont versé le métal du Cid et des Burgraves.
Tu saisis le vieux vers et brisas ses entraves,
Bon ouvrier modeste, auquel, en ce moment,
J’apporte mon tribut de barde et de Normand !

(Gilles et Pasquins)



MAIGRE VERTU


Elle a dix-huit ans et pas de poitrine,
Sa robe est très close et monte au menton,
Rien n’en a gonflé la chaste lustrine,
Elle est droite ainsi qu’on rêve un bâton.

Son épaule maigre a des courbes folles
Qui feraient l’orgueil des angles brisés ;
Ses dents, en fureur dans leurs alvéoles,
Semblent dire : Arrière !… au chœur des baisers.

Ses yeux sont gris trouble, et des sourcils rares
Ombrent tristement un front bas et plat
Qu’oppriment encor des bandeaux bizarres
De petits cheveux châtains sans éclat.

Heureux qui fera tomber les ceintures
De cette angélique enfant ! Ô trésor,
Qui fait des sirops et des confitures
Telles que jamais on n’en fit encor !

Ça n’a pas de cœur ! — La moindre fadaise
La fait aussitôt rougir jusqu’aux yeux,
Et de sa figure atone et niaise
Rien n’a déridé l’aspect soucieux.