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SULLY PRUDHOMME.


Les bras ronds et charnus sortent des grosses manches ;
Le jupon suit tout droit la carrure des hanches ;
Le contour d’un sein riche et d’un dos bien arqué
S’accuse avec ampleur, par de beaux plis marqué ;
D’un corset rude, ouvert d’une large échancrure,
Le cou ferme se dresse, et pour fière parure
Une flèche d’argent traverse les cheveux
Lourds et lisses, d’un noir intense aux reflets bleus.
Un long clinquant de cuivre étincelle à l’oreille ;
Et la voûte de l’œil, pleine d’ombre, est pareille
À ces vallons brumeux où miroite un lac noir.
Et ces fortes beautés sont splendides à voir
Quand toutes, au soleil, le long des grandes pentes,
Par groupes se croisant, vont superbes et lentes.

(Croquis Italiens)



LES DANAÏDES




Toutes, portant l’amphore, une main sur la hanche,
Théano, Callidie, Amymone, Agavé,
Esclaves d’un labeur sans cesse inachevé,
Courent du puits à l’urne où l’eau vaine s’épanche.

Hélas ! le grès rugueux meurtrit l’épaule blanche,
Et le bras faible est las du fardeau soulevé :
« Monstre, que nous avons nuit et jour abreuvé,
Ô gouffre, que nous veut ta soif que rien n’étanche ? »

Elles tombent, le vide épouvante leurs cœurs ;
Mais la plus jeune alors, moins triste que ses sœurs,
Chante, et leur rend la force et la persévérance.