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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Ah ! les fils de l’Hellade, avec des yeux nouveaux
Admirant cette gloire à l’Orient éclose,
Criaient : « Salut au dieu dont les quatre chevaux
Frappent d’un pied d’argent le ciel solide et rose ! »

Nous autres nous crions : « Salut à l’Infini !
Au grand Tout, à la fois idole, temple et prêtre,
Qui tient fatalement l’homme à la terre uni,
Et la terre au soleil, et chaque être à chaque être !

« Il est tombé pour nous le rideau merveilleux
Où du vrai monde erraient les fausses apparences,
La science a vaincu l’imposture des yeux,
L’homme a répudié les vaines espérances ;

« Le ciel a fait l’aveu de son mensonge ancien,
Et depuis qu’on a mis ses piliers à l’épreuve,
Il apparaît plus stable affranchi de soutien,
Et l’univers entier vêt une beauté neuve. »

(Stances et Poèmes)



LES TRANSTÉVÉRINES



Le dimanche, au Borgo, les femmes et les filles,
Lasses d’avoir, six jours, traîné sous des guenilles,
Étalent bravement un linge radieux.
Ce n’est plus le costume éclatant des aïeux :
Quand le peuple vieillit, l’habit se décolore :
Pourtant le rouge vif les réjouit encore :
Elles font resplendir sur le brun de leur peau
Des fichus qu’on dirait taillés dans un drapeau.