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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


« Aux tourments imprévus je donnerai des charmes.
« La fleur de la tendresse au calice embaumé
« Répand plus de parfums sous les premières larmes
« Comme après la rosée un lilas ranimé.

« C’est par moi que naîtront aux heures de tendresse
« L’espoir aventureux, le hardi dévoûment.
« Je rendrai l’horizon plus grand pour la jeunesse,
« L’amante plus céleste aux regards de l’amant.

« Partout où deux baisers s’appelleront dans l’ombre,
« Nous nous rencontrerons dans notre mission,
« Toi pour verser au cœur les délices sans nombre,
« Moi pour lui révéler la chaste passion ! »

(Élévations)



MADAME DE CONDORCET



Longtemps après l’effroi des tourmentes publiques,
Dans la langueur des beaux jardins mélancoliques
Et blanche au voile noir sous les ombres d’Auteuil,
La veuve du héros pensif traîna son deuil
Parmi les entretiens choisis des philosophes.
Le frôlement discret de ses tristes étoffes
Vibrait délicieux pour Garat et Tracy,
Et Cabanis sentait son front tout éclairci
Par la limpidité de ce sourire humide.
Cependant qu’au dehors des femmes à chlamyde
Passaient avec l’éclat strident d’une chanson,
Elle n’était que rêve, ondulement, frisson,