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AUGUSTE LACAUSSADE.

 
Ô Christ ! ton homme est jeune encor ; l’humanité,
Rameau qu’ont émondé tes mains fortes et sages,
Doit grandir pour atteindre à son suprême été :
Ton arbre, ô Christ ! n’a pas donné tous ses feuillages !

Cet idéal humain, type divinisé,
Dont ta vie et ta mort ont prouvé le mystère,
Ô maître ! parmi nous qui l’a réalisé ?
L’homme a-t-il incarné ton Verbe sur la terre ?

Mœurs, famille et cité, tout lui reste à finir ;
Nous n’avons qu’ébauché ton œuvre sur le monde.
Dieu de paix et d’amour, ton règne est à venir !
Pour des siècles encor ta parole est féconde !

Et nous passons : qu’importe ! Empire et royauté
Avant nous ont passé, vaine écorce des choses.
Mais ta pensée en nous fermente, ô Vérité !
L’homme élabore un Dieu dans ses métamorphoses.

Nous passerons : il est des germes condamnés !
Eh bien, consolons-nous, fils des jours transitoires !
D’autres moissonneront nos espoirs ajournés :
Des vainqueurs les vaincus ont semé les victoires !

Abdiquons le présent, mais non point l’avenir ;
Du sort, résignés fiers, acceptons le partage.
Que ceux qui vont s’éteindre à ceux qui vont venir
Transmettent en partant leur foi pour héritage !

Tournés vers d’autres jours, effaçons-nous du temps ;
Que l’oubli sur nos noms répande sa poussière !
Le ciel garde à la terre encor de longs printemps ;
Rassurons-nous : après l’éclipse, la lumière !