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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Les radieux étés après les noirs hivers !…
Poète, autour de toi resplendit la nature ;
Que la beauté du jour resplendisse en tes vers !
Chante la bienvenue à la race future !

Pourquoi désespérer lorsque tout rajeunit ?
Pourquoi sonder la mort quand tout se renouvelle ?
Pourquoi se lamenter quand l’oiseau sur son nid
Dit sa chanson d’amour à la saison nouvelle ?

Comment douter du jour en face du soleil ?
Comment croire au néant en face de la vie ?
Brille en nos cœurs, flamboie, astre au regard vermeil !
Monte et palpite en nous, sève qui vivifie !

Nous vieillissons — au loin, verdissent les épis.
Nous gémissons — ici, la fleur s’ouvre et l’eau coule.
Nous nous troublons — là-bas, sous les bois assoupis,
Dans la paix du bonheur la colombe roucoule.

Tout aime à nos côtés, tout sourit, tout renaît ;
L’air chaud et pur circule imprégné de lumière.
Tes ombres, ô poète ! ici, qui les connaît ?
Chante, espère, éblouis de clartés ta paupière !

La sagesse est d’aimer, la force est d’espérer.
D’ombres n’attristons pas le mois brillant des roses ;
Et, détournant les yeux de ce qui fait pleurer,
Absorbons-nous, pensifs, dans le bonheur des choses.

Des grands blés verdoyants s’élançant dans l’azur,
L’alouette là-haut vole et chante éperdue ;
Fais comme elle, ô mon âme ! et loin d’un monde impur
Monte et répands ta voix de Dieu seul entendue !