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LOUIS TIERCELIN.

Inquiets, vainement implorent-ils du bec
La terre dévastée et la fontaine à sec.
Les reptiles brûlés par la chaleur du sable
Sont saisis d’un effroi vague, indéfinissable ;
Ils n’osent plus sortir. Le troupeau haletant
Regarde avec stupeur les vases de l’étang
D’où s’élève un brouillard épais et délétère.
Partout la sécheresse a fait fendre la terre.
Adieu les verts taillis ! Adieu les gazons frais !
Adieu, paix des vallons ! mystère des forêts !
Le soleil a fané les fleurs, flétri les mousses ;
La nature n’a plus de perspectives douces,
Et, dans ce flamboiement de la terre et des cieux,
L’homme ne trouve plus où reposer ses yeux.
La soif et le murmure ont contracté sa bouche ;
Il est découragé, morne, sombre, farouche ;
Il respire, mêlés dans un air lourd et chaud,
La poussière d’en bas et les rayons d’en haut ;
Et du triste univers, comme du fond d’un gouffre,
Un cri monte incessant : « Seigneur, la Terre souffre ! »
Le Seigneur répondit : « Je vais faire pleuvoir
Sur la terre assez d’eau pour remplir l’abreuvoir,
Le ruisseau, le torrent, l’étang, le lac, le fleuve,
Pour vêtir les forêts d’une ramure neuve,
Pour faire reverdir les vallons et les prés.
Je veux calmer la soif de ces désespérés
Qui souffrent, quel que soit le nom dont on les nomme.
Je veux, sur le reptile aussi bien que sur l’homme,
Sur l’humble et l’orgueilleux, verser le même don.
Je suis la Récompense et je suis le Pardon.
Je veux que le bienfait étouffe le blasphème,
Que l’ignorant haineux me connaisse et qu’il m’aime ;
Je veux gagner son cœur par la souffrance aigri,
Afin qu’il soit à moi quand je l’aurai guéri.