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ANTHOLOGIE DU XIXe SIÈCLE.


Moi, dans mes sens troublés par les odeurs des sèves,
Dans ma moelle où brûlait encor son souvenir,
Brisé par le passé, tremblant pour l’avenir,
Je sentais la poussée ardente de mes rêves.


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LES ROSES-THÉ




Le rosier couvrait tout le mur.
Comme dans un pays des fées,
Ses parfums en chaudes bouffées
Troublaient perversement l’air pur.

Sur le velours des feuilles vertes
Où les papillons se cherchaient,
Des milliers de roses tranchaient,
Eclatantes, grandes ouvertes.

C’étaient d’énormes roses-thé
Avec des arômes de fraise,
Blondes comme une miss anglaise,
Que baisait un ciel enchanté.

Leur pâleur tendre et délicate,
Leur cœur charmant couleur de chair,
Leur corsage de velours clair,
Plus que la pourpre et l’écarlate

Des roses vives du jardin,
Savaient me plonger dans l’extase
Quand, à l’heure où le ramier jase
Parmi les perles du matin,