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e crois que Dieu, quand je suis né,
Pour moi n’a pas fait de dépense,
Et que le cœur qu’il m’a donné
Était bien vieux, dès mon enfance.
Par économie, il logea
Dans ma juvénile poitrine,
Un cœur ayant servi déjà,
Un cœur flétri, tout en ruine.
Il a subi mille combats,
Il est couvert de meurtrissures,
Et cependant je ne sais pas
D’où lui viennent tant de blessures.
Il a les souvenirs lointains
De cent passions que j’ignore,
Flammes mortes, rêves éteints,
Soleils disparus dès l’aurore.
Il brûle de feux dévorants
Pour de superbes inconnues,
Et sent les parfums délirants
D’amours que je n’ai jamais eues.
Ô le plus terrible tourment !
Mal sans pareil, douleur suprême,
Sort sinistre ! Aimer follement,
Et ne pas savoir ce qu’on aime !